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« Gravir coïncide avec la volonté farouche d’atteindre, d’accéder et, résolument, de rejoindre. »
Zeno Bianu et André Velter, Prendre feu.
Il existe de multiples façons de gravir. Mais avant d’effectuer le premier geste qui consiste à lancer la jambe droite devant soi suivie de la jambe gauche, il est permis de se demander la raison d’entamer une longue marche, de franchir les cols, d’atteindre des sommets pour ensuite redescendre vers ce qui redevient l’infiniment petit.
La raison n’est pas suffisante car si elle l’était, nous resterions tranquillement à notre place dans l’attente que quelque chose se passe. Un autre besoin nous est imposé, son origine mystérieuse exerce sur nous une force qu’on ne retient pas. L’idée qu’un autre que soi se dissimule derrière l’horizon posé sur la mer, les cols et les massifs, bref ce que l’on voit sans distinguer. Il se cache toujours quelque chose derrière un être inconnu, une terre et pourquoi pas l’enfer ou le paradis. Il nous faut avec toute la puissance que nous sommes capables de déployer, combler ce désir. Alors sans raison précise puisque celle-ci n’est pas suffisante, nous débutons notre marche vers le point le plus élevé.
« Gravir coïncide avec la volonté farouche d’atteindre… » écrivent les poètes.
Certains d’entre nous resterons sur le bas-côté de la route et n’aurons pas le plaisir d’accéder ; chants, musiques et poèmes nous condamnent à ne pas les oublier. Mais la vie est ainsi faite qu’elle ne s’arrêtera pas plus que nécessaire, la poussée que l’individu ressent interdit au renoncement à moins de la détruire de façon définitive. Ce qui s’appelle mourir.
J’aurais pu ne faire que ce constat : mourir. « Mourir, la belle affaire… » dit la chanson « mais partir… ». Partir c’est la seule décision qui a un sens. Partir pour accéder. Une fois atteint le sommet du col, l’arbre bicentenaire au creux de la forêt, le récif corallien sous la mer, la chapelle dissimulée entre deux plis rocheux et combien d’autres mirages qui nous ont fait rêver avant le départ, le but n’est pas seulement atteint mais nous avons aussi rejoint. C’est-à-dire que nous avons élaboré une jointure entre le rêve et la réalité.
« Gravir coïncide avec la volonté farouche d’atteindre, d’accéder et, résolument, de rejoindre. ».
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