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« A brebis tondue, Dieu mesure le vent. »
Je suis resté longtemps sans comprendre la signification de ce proverbe. En fait je n’avais pas véritablement cherché jusqu’au jour où je décide d’ouvrir un dictionnaire : le sens m’est alors apparu, limpide, comme tout ce qui est resté dans l’ombre soudainement noyé par une lumière dont on n’imaginait pas l’existence.
Les épreuves que nous rencontrons dans la vie, seraient en rapport avec notre aptitude à y faire face. Ainsi Dieu n’impose pas à sa créature davantage de souffrance qu’elle n’est capable d’en supporter.
Ma mère, orpheline de sa mère dès l’âge de douze ans, a perdu accidentellement un de ses fils lorsqu’il avait trois ans. Je me demande encore de quelle façon possédait-elle plus qu’une autre la capacité d’affronter ces épreuves. Tranquillement installée sur une plage de sable alors que ses trois enfants se baignaient, elle ne pouvait imaginer que seulement deux d’entre eux reviendraient. Je devais naitre après le drame, éloigné de ma sœur et de mon frère ainés car un couperet avait rendu nos expériences incommunicables, devenus maladroits dans l’échange d’un amour réciproque et harmonieux.
Nombreux les enfants de la terre qui subissent au quotidien des douleurs impossibles à supporter. Curieusement le proverbe n’évoque à aucun moment la notion de mérite. Il ne dit pas qu’un tel a mérité ou pas ce qui lui arrive préférant ne retenir qu’une donnée quantitative qui se réduit à la faculté de chacun à « se faire tondre. » Le mérite introduirait le jugement moral en se référant à un Dieu à la fois juge et arbitre. Le Dieu nommé ici est un Dieu mathématicien. Il calcule, il mesure, il soupèse.
Il n’y a donc aucun mérite à se retrouver tondu moins qu’un autre. C’est seulement « faute à pas de chance ». Ainsi va la vie qui sème à tous vents les graines de l’inégalité.
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