T 17
« Le passé et le présent sont deux statues incomplètes : l’une a été retirée toute mutilée du débris des âges ; l’autre n’a pas encore reçu sa perfection de l’avenir. »
Chateaubriand, René.
Nous nous sommes promenés dans les allées du parc. Bordées de statues antiques, marbres écaillés, corps handicapés dans des positions engourdies, la portée de nos voix ne les a pas surpris. Leurs gestes interrompues comme ces corps pompéiens recouverts de cendre, projetaient sur le sol des ombres tronquées, corps amputés et torses sans tête. Leur infirmité nous obligeait à nous recueillir tant ils portaient les tourments des siècles évanouis. Sur les rares visages que le temps n’avait pas broyés, se lisait encore l’esquisse d’un sourire, la courbe arrondie des joues, le regard creusé dans la pierre où se dissimulait l’étonnement de se tenir debout tandis que nous posions notre regard sur les lèvres en marbre, griffées de baisers volés.
Nous avons laissés derrière nous les hommes de pierre, lentement ils disparaissaient avec la lumière.
Le présent nous a cueilli, nos doigts emmêlés nous rendaient étrangers au temps qui passe. Seuls dans l’instant, nous nous sommes immobilisés comme des statues. Nous étions alors des êtres neufs, sans rides ni bosses. Il ne nous manquait rien, nul membre brisé, nos têtes relevées comme les gens qui connaissent le chemin à suivre, ni vêtement pour nous déguiser. Quand bien même le temps passerait sans s’arrêter, il laisserait des marques mais sur nous, il n’en avait pas encore eu le temps.
Tout comme les statues du passé, nous possédons notre avenir. Il se produit minute après minute et continuera au-delà de notre disparition. C’est ce que je murmure dans le creux de ton oreille : « Le passé et le présent sont deux statues incomplètes : l’une a été retirée toute mutilée du débris des âges ; l’autre n’a pas encore reçu sa perfection de l’avenir. ».
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