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« Mais que faire, Messieurs si la destinée unique de tout homme intelligent est de bavarder, c’est-à-dire verser de l’eau dans un tamis. »
Dostoievski, Le sous-sol.
Dostoïevski écrit dans « Le sous-sol » que bavarder revient à verser de l’eau dans un tamis. Il précise que c’est la destinée unique de tout homme intelligent. Pour ma part j’ajouterais qu’il existe des tamis de toutes sortes. Les diamètres des trous d’un tamis peuvent être différents d’un ustensile à l’autre. Par conséquent l’eau ne sera pas retenue de la même façon, elle s’écoulera plus ou moins vite.
Autre remarque, il n’y a pas que les hommes intelligents qui bavardent, les imbéciles aussi. Ne serait-il pas souhaitable de leur interdire l’utilisation des tamis comportant des trous trop petits, l’urgence étant que leurs paroles s’évacuent rapidement. Difficile de séparer l’intelligence de la bêtise mais acceptons de jouer le jeu et distribuons aux êtres réputés intelligents, des tamis à petits trous. Leurs discours seront retenus plus longuement à l’intérieur du périmètre de l’appareil nous donnant ainsi la possibilité de les comprendre et de les apprécier. Je me souviens du bâton de palabre utilisé en Afrique. Les petits coquillages glissent à l’intérieur d’un cône en osier tressé, plus ou moins vite selon l’inclinaison donnée à ce dernier. Ainsi le temps de parole est donné.
Malheureusement tout le monde parle. Qu’importe l’utilisation du tamis ou du bâton de palabre, l’homme s’auto-représente par la parole. Certains jugent l’importance de leur existence par la mastication et l’extraction sans modération des mots de leurs bouches.
Il n’y a donc que très peu d’issue, que l’on soit intelligent ou imbécile, la parole se transforme en eau qui s’écoule sans pouvoir être retenue. « Mais que faire, Messieurs » demande Dostoïevski « si la destinée unique de tout homme intelligent est de bavarder, c’est-à-dire verser de l’eau dans un tamis. »
Le silence est une parole non utilisée. Garder le silence ne signifie pas, ne rien dire. Plus simplement il s’agit de rester sur le côté et « regarder » les paroles passer. De cette façon on n’entre pas dans le tamis, on ne perd pas imprudemment de l’eau précieuse.
Comment faire ? Remplir d’eau fraiche une gourde. Boire modérément, le chemin à parcourir sera long. Si la parole n’excède pas le volume de quelques gouttes d’eau, il sera plus facile de la retenir. De toute façon avec ou sans la parole, nous ne serons jamais désaltérés.
Mais ceci est un autre sujet.
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