Septembre, mois des retraités mais juin aussi et pourquoi pas les autres mois de l’année. A dire vrai ne sommes-nous pas programmés pour atteindre une retraite bonhomme avec du ventre, des rides sur le corps et des idées plus courtes.

En juin ils ouvrent les maisons, se préparent non sans inquiétude à accueillir les membres de la famille, enfants et petits-enfants. En septembre ils sont soulagés car le plus souvent l’été se sera bien passé ou si rien ne s’est déroulé comme ils souhaitaient, disputes familiales, maladie du petit, absence des parents, ils apprécient enfin les premiers jours de liberté. La vie du retraité est une vie presque tranquille, l’homme et la femme n’étant plus acteurs de grand-chose ou alors seulement pour de faux sous le regard amusé des enfants et petits-enfants. Affection et générosité font des grands-parents les organisateurs de rassemblements heureux que personne n’oubliera.

En effet, c’est en septembre que les couples âgés font leur apparition sur les plages. On les reconnait immédiatement, ils ne sont plus embrouillés dans un essaim de petites jambes et de petits bras qui virevoltent comme des volées de papillons. Leur conversation n’est plus la même, les propos portent sur les uns et les autres, expriment une liberté de ton parfois acerbe car de ce qui est bien, ils en parlent peu.

Il m’est resté en mémoire cet homme âgé debout sur le sable. Il regarde au loin.

Son ventre cache ses appareils génitaux qui ne répondent plus à la définition d’organe reproducteur. Il est laid, coiffé d’un chapeau mou grotesque. Uniquement vêtu d’un maillot de bain ridiculement petit, il déclare sur un ton guerrier et quelque peu réprobateur : « On voit bien que septembre est le mois des retraités. Pour un peu j’ai l’impression de me trouver dans un EPAD ! Regarde chérie, autour de nous que des prétendants à une maison de retraite médicalisée.»

Couchée sur le ventre, le corps écrasé sur une grande serviette rouge imprimée de coquillages multicolores, elle répond sans lever la tête qu’il ne s’est pas regardé.

« Je rentre, c’est bientôt l’heure du match à la télé. » dit-il en tournant le dos à la mer.

« C’est ça, va faire ton sport. » elle ajoute en époussetant le sable de la serviette de bain.

Il s’éloigne, le gros derrière dissimulé par un petit carré de tissu. Pour un peu il porterait un string, engagé dans un combat pour prolonger sa jeunesse. Il monte avec difficulté la dizaine de marches qui conduisent vers la route goudronnée. Son souffle est court, peut-être qu’il ne passera jamais par la case EPAD.

Je m’enfonce dans septembre perclus à mon tour par la méchanceté de mes propos.

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