T 35

« Aucune obligation, aucune contrainte du dehors ne m’empêchera, un matin de juin, de me trouver seul, face à la création, dans une conscience renouvelée de l’étonnement d’être. »

Eugène Ionesco, Notes sur le théâtre.

 La joie de vivre.

Les rues de Paris, les rues de Naples, les rues d’Istanbul et celles de ces petits villages en France ou ailleurs, au Sud, au Nord, dans les îles, tellement éloignées de mon puits d’origine mais pourtant, racontent toutes la même chose, des histoires d’errements, de racines brutalement sectionnées, de mélancolie assise dans un trop plein de lumière, de morts à venir, de strates géologiques qui racontent le passé et l’histoire ininterrompue de l’âme chevillée au corps pour tenter de ne former qu’une seule et unique incarnation. Je ne me souviens pas seulement des draperies sombres qui encombrent la mémoire mais aussi de ces étoiles punaisées dans mon émerveillement de vivre, des éclats qui donnent au verbe exister une puissance qu’aucun barrage ne pourrait empêcher. Une montée volcanique met le corps en éruption et vous abandonne « dans une conscience renouvelée de l’étonnement d’être. »

Les femmes dans les rues de Paris, dans les rues de Naples, dans les rues d’Istanbul et celles qui traversent les rues de ces petits villages en France ou ailleurs, au Sud, au Nord, dans les îles…. . Mais aussi la lumière, le silence traversé du martèlement des vagues, le soir craqueler sous le chant des grillons, les refrains de solitude dans la solitude choisie, je n’en finirai pas d’évoquer mes rencontres inattendues qui m’ont données l’ivresse de vivre. Je voudrais ne retenir que mes emportements comme autant de marches qui m’ont permis d’accéder à des niveaux que j’ai crus supérieurs.

Un morceau de fromage de chèvre, trois belles tomates et un concombre, deux œufs durs, du café chaud versé dans des tasses en fer-blanc. Nous sommes cinq autour d’une table branlante à l’ombre raréfiée dès six heures du matin. Depuis deux heures nous cueillons les oranges, il faut commencer tôt pour ne pas souffrir de la chaleur qui s’abat sur les montagnes au bord du lac de Tibériade.

Soudain j’ai ressenti l’ivresse d’exister mais pas seulement pour moi-même, de vivre aussi avec et pour les autres, le grand partage « dans une conscience renouvelée…. »

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