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« Ainsi par degrés, je me suis élevé des corps à l’âme qui sent par le corps ; puis de là, à la puissance interne de l’âme à laquelle les sens corporels apportent des mesures de l’extérieur… . »
Les Confessions, Livre VII XVII- Saint-Augustin.
Une envie irrésistible de continuer. Mon cœur bat lentement, tout à fait adapté à la course de fond. L’objectif : tenir et ne pas décrocher. Parcourir de la distance toujours et encore sans véritablement approfondir, enivré par le déplacement. Je suis le contraire d’une charrue, mon socle ne creuse pas la terre. Je ressemble davantage à un engin agraire qui griffe sans s’arrêter et saute par-dessus les pierres. Je ne laisse derrière moi aucune trace profonde, la pluie les efface à peine sont-elles tirées. Ce n’est pas pour me déplaire de tenter d’être invisible, de ressembler au vent qui court sans s’arrêter. Je n’ai de cesse de ressembler à un courant d’air. Quand il m’arrive de marcher plusieurs jours, je m’efforce de ne laisser aucun indice qui marquerait mon passage. C’est presque une obsession. Ne rien laisser derrière soi, que du vent, de l’air vide car c’est là que commence mon existence, en appui sur rien. Je me compare alors à une bulle, légère et transparente qui se déplacerait dans l’air comme ces milliards de pollens libérés au printemps. Que la vie est belle dans la transparence. Posséder la liberté et la légèreté de l’insecte. Rien n’est assez important sur terre pour qu’on y pèse davantage que ce que nous sommes vraiment. Enfermés dans nos prétentions, n’obéissant qu’à notre appétit le plus vulgaire, nous creusons la terre de notre présence accidentelle. Nous n’étions pas programmés pour venir ici. Il aurait fallu ne pas nous arrêter, passer notre chemin car qu’avons-nous fait depuis que nous avons pris possession de ces lieux sinon souiller par notre présence cet écrin merveilleux qui se balance dans le vide.
Pour cela je voudrais être une plume. Rien qu’une petite plume. Pas celle d’un paon ni d’un geai, ni la plume noire du corbeau. Non la plume gris-claire d’une tourterelle ou d’une mésange et me laisser porter par le vent.
« Ainsi par degrés, je me suis élevé des corps à l’âme qui sent par le corps ; puis de là, à la puissance interne de l’âme à laquelle les sens corporels apportent des mesures de l’extérieur… . »
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