T 19
« Je ne suis pas moi-même le maitre de ma vie, je suis un fil de plus à tisser dans le vulgaire calicot de la vie ! Fort bien, mais si je ne sais pas tisser, je peux du moins trancher le fil. »…. »
Kierkegaard.
A nouveau Kierkegaard.
Trois voyelles donnent au mot « calicot » la sonorité d’un ruisseau qui s’écoule en sautillant sur les pierres ou celle du trottinement d’un cavalier qui s’éloigne : ca-li-co-ca-li-co. En danois le mot est identique mais sans la lettre « t ». Peut-être qu’ils écrivent aussi « trico »alors que nous tricotons. Mais serait-ce bien raisonnable de calicoter ? Pourtant nous sommes engagés à n’être que le fil qui se déroule dans l’encorbellement du calicot. Il nous arrive de nous embrouiller et de nous perdre dans la toile grossière de coton, maladroits nous ne comptons plus les nœuds qu’il nous faut dénouer pour progresser. Exercice d’autant plus difficile que nous ne sommes pas maitres de notre vie. Mais le calicot se développe, prend des formes imprévisibles, nous emprisonne dans ce qui ressemblerait à une toile d’araignée ou un suaire. Mais de cette finalité, l’auteur n’en veut pas. Il l’accepte d’autant moins qu’il se sent incapable d’être l’artisan de soi-même. Alors de conclure : « Fort bien, mais si je ne sais pas tisser, je peux du moins trancher le fil. »
Le ruissellement de l’eau et le trottinement du cheval ne cesserons pas une fois le fil de coton sectionné. Car un individu ne pourrait faire cesser le travail anonyme des hommes et des femmes qui entrelacent dans le canevas imaginé par le maitre, l’imparable claudication du temps : ca-li-co-ca-li-co.
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