T 24

« Mozart et Schubert, à la fin de leur vie, ont su pareillement atteindre à cette sagesse où l’expérience ultime paraît tendre la main à l’enfance intacte. »

Harry Halbreich.

C’est ce qu’écrit le musicologue à propos de Gabriel Fauré et plus précisément de la Sonate n°2 pour violon et piano en mi mineur.

Ensorcellement du temps qui passe, il vous saisit dans une maison, dans un jardin, au bord d’un ruisseau. Vous portez vos habits d’enfant. Vous entamez une conversation monocorde avec votre ours en peluche. Vous partez à l’aventure dans le périmètre fermé du jardin accoutré en petit jardinier avec un seau et une pelle. Il vous surprend au bord de l’eau alors que vous cherchiez les trous aux écrevisses et vous prend par la main. C’est le temps qui vous conduira pendant une durée indéterminée car vous n’en connaissez pas l’instant de sa fin mais il vous ramènera au point de départ. Vous ne serez plus habillés de la même façon, sans doute qu’un peu d’embonpoint ralentira votre course mais vous posséderez, ce que l’homme peut acquérir, de l’expérience. Cette rotation qui n’est jamais parfaitement linéaire lie deux évènements, la naissance et la reconnaissance qui fait l’objet d’une renaissance. Débarqué sur un quai ou à un carrefour de chemins alors que vous ne savez pas où ils mènent, vous vous retrouvez seuls avec votre baluchon gonflé de l’expérience retenue depuis tant d’années. Car le temps ne vous ramènera pas dans la maison de votre enfance, ou rarement, vous ne reconnaitrez plus le jardin des découvertes et les écrevisses auront depuis longtemps disparues chassées par la pollution de l’eau. Pourtant vous n’aurez rien perdu de l’étonnement du grand départ, frotté au temps qui passe, votre être en restera habité et vous reluirez dans l’ombre semblant à un cuivre poli. Alors commencera l’étape de la reconnaissance qui consiste à tendre la main en direction de l’enfance intacte. Sagesse, expérience ultime, toutes deux matières à renaissance.

Voici peut-être ce qui se passe en chacun d’entre nous. Nous, le plus grand nombre, sommes incapables de traduire ces évènements autrement que par notre conversation muette avec nous-mêmes. L’artiste possède l’intelligence d’en extraire ce quelque chose de l’ordre de la création. Bien que les langages différent, écriture, musique, peinture pour n’en retenir que les plus remarquables, l’artiste en tissant sa toile relie l’enfance à la maturité. Toile savante qui le caractérise, signe de reconnaissance, objet de sa perpétuelle renaissance. Hors de question de peser les langages, ils sont d’égale importance. A chacun de trouver le sien. Nombreux sont ceux qui restent incapables de démêler les fils, enroulés dans le plus grand désordre d’une pelote inextricable quand l’enfance et la vieillesse se sont égarées l’une de l’autre.

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