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« C’est d’être sur terre qui n’est pas admissible. »

Ionesco, Présent Passé.

« C’est d’être sur terre qui n’est pas admissible. ». déclare Eugène Ionesco dans « Présent Passé » avant d’exprimer son incompréhension de notre finitude. Il s’étonne de sa naïveté dans la révolte, sa candeur cynique d’autrefois avant d’admettre qu’il ne supporte plus la disparition des civilisations, l’effondrement des nations et l’éreintement des sociétés. Sans partager son pessimisme, je retiens l’idée forte « qu’être sur terre n’est pas admissible. ».

Se lamenter de vivre sur notre terre, juger que cela ne peut pas continuer est une véritable question mais vers qui se tourner ? Faut-il exiger un changement…de terre ?

A l’instant où j’écris, j’apprends le décès de Tony Morrison, prix Nobel de Littérature. A ce propos Christine Toubira nous laisse entendre à la radio un témoignage émouvant. Combien de fois la communauté noire des Etats-Unis, d’Afrique du Sud et de tous les pays où le racisme domine, n’a-t-elle pensé qu’être sur terre n’est pas admissible. Ne pas avoir le choix de sa couleur de peau, est-ce bien admissible ? Et pourquoi n’aurions-nous pas le droit d’en changer ? Sur la même radio un journaliste scientifique nous explique que nous sommes entourés de mille milliards de planètes, que peut-être d’autres vies se trouveraient ailleurs dont nous ne connaissons rien.

Un jour viendra peut-être où nous aurons la possibilité de changer de planète. Nous irons trouver le Grand Ordonnateur en lui expliquant que ce n’est plus possible, qu’il nous transporte d’urgence sur une terre disponible. Un jour viendra aussi où nous ne pourrons plus vivre ensemble, trop nombreux, épuisés par les guerres de religions, révoltés contre les inégalités et sans doute plus assez d’eau.

En attendant que tout cela arrive, moi je serai toujours sur terre, anonyme, inconnu transformé en poussière. Avant d’être balayé par un battement d’ailes ou soufflé comme feuille en automne, je compte profiter de la vie et ne trouve rien d’inadmissible ou d’injuste de posséder la chance d’y vivre. C’est vrai je ne suis pas noir, je ne suis pas Juif, je ne suis pas pauvre, je ne suis pas handicapé, je n’ai pas de religion ou si peu, je ne suis pas alcoolique en revanche je suis rarement désaltéré. Ce que m’apporte la vie sur cette terre, le désir tout simplement.

Je ne partage pas les inquiétudes d’Eugène Ionesco sur notre avenir, mais de là à trouver injuste de vivre sur cette terre, le propos me semble « irrévérencieux ». Nous pourrions vivre au pays de cocagne mais la perspective de la jouissance ininterrompue me fatigue rien que d’y penser.

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