Gilles François Closson (Liège 1796-1842 Liège)
Amalfi, étude de ciel.
Huile sur papier.
Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris

31 janvier.

J’ai acheté un bateau.

Si vraiment un gros bateau, beaucoup plus gros que la petite barque de pêche en bois avec son mât et une voile grande comme un timbre-poste que je poussais dans ma baignoire en faisant « Tchou, Tchou ! ». Allez savoir pourquoi j’imitais le bruit du train qui entre en gare en jouant avec ma petite barque. Aussi je la faisais couler pour mettre la tête sous l’eau et ouvrir les yeux.

Soyons sérieux, j’ai donc acheté un bateau. Il est assez grand pour que je monte dedans, un gouvernail à l’arrière, une ancre à l’avant et quatre hublots, deux à bâbord et deux à tribord. Il ne possède pas de mât ni de voile mais un gros moteur qui fait « Tchou, Tchou ! » en caracolant sur les vagues.

Quand le vent est trop fort et que la mer fait semblant de devenir mauvaise, je jette l’ancre et je m’assois derrière un hublot. J’observe la côte au loin et le déplacement rapide des nuages dans le ciel. C’est le moment que je préfère, assis derrière un hublot. C’est aussi quand l’ancre est jetée. L’embarcation manifeste alors une immense fierté, on dirait qu’elle se tient debout sur les flots.

Il y a un endroit en mer que j’aime plus que tout. Il suffit de se laisser porter et si le soleil est trop fort, vite s’asseoir derrière le hublot et regarder. Il se trouve devant la côte amalfitaine, au large d’Amalfi. Je regarde la montagne tomber dans la mer par tranches successives. On dirait qu’elle la griffe avant que de disparaitre dans les profondeurs marines. Je regarde aussi le ciel traversé par des nuages blancs qui font une course jusqu’à sauter par-dessus l’horizon.

Voilà ce que je voulais vous dire. Si jamais vous me cherchez, bien que cette éventualité me paraisse peu probable, postez vous au bout du quai dans le port d’Amalfi. Vous verrez sans doute un bateau, beaucoup plus grand que celui que je possédais quand j’étais petit. Depuis que j’en suis propriétaire, je suis devenu un homme tranquille. Il me suffit d’étudier le ciel comme ferait un savant, posté derrière mon hublot.

A bientôt peut-être.

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