Dans « L’empreinte à Crusoé », de Patrick Chamoiseau, j’avais souligné deux phrases qui retiennent mon attention. Dans l’ordre d’apparition :

« La solitude est dans la haute proximité.»

« Le pire dans l’isolement c’est quand il n’ouvre à aucune solitude. »

La seconde citation pourrait introduire la première. Clairement l’auteur établit une différence entre l’isolement et la solitude. Reconnaitre sur une carte topographique les voies sans issues et celles qui permettent d’atteindre un sommet. L’isolement est davantage qu’un emprisonnement car la prison est entourée de murs qu’il faudra franchir un jour. L’auteur attribue à l’isolement une conséquence dramatique qui ne va pas de soi. En opposant les deux états, il donne à la solitude une attente que je n’avais fait qu’entrevoir. Mettre à l’isolement n’est rien d’autre que déplacer un corps d’un lieu à un autre. On le met en situation de se trouver à côté de la vie, sans l’empêcher de vivre on ne souhaite pas pour autant qu’il communique. On n’attend rien de lui, il ne doit rien espérer de nous. L’homme isolé rejoint l’animal dans sa conscience, conscience où la détermination est la manifestation de l’instinct uniquement. A la différence de nous, je ne pense pas que l’animal ressente la solitude, même grégaire car ce qui vient à lui manquer n’est que la compagnie des autres. L’isolement est une violence inhumaine, la solitude ne l’est pas.

Pourtant quand Patrick Chamoiseau constate que rien n’est pire que l’isolement qui n’ouvre à aucune solitude, c’est reconnaitre qu’il peut y conduire. Subsiste pour l’être isolé une petite chance de pénétrer dans l’univers plus vaste de la solitude.

La solitude peut-être subie ou désirée. La première est une souffrance mais reste différente de l’isolement. Les chances qu’elle approche « la haute proximité » ne sont pas rares car la solitude devient alors un parcours imposé qui y mène.

Mais quelle est donc cette « haute proximité » ?

Je n’imagine pas cette « haute proximité » autrement que spirituelle. Sa présence, le plus souvent inaccessible, nous accompagne dans notre solitude. Inversement c’est notre solitude choisie qui permet de s’en approcher le plus possible car « la solitude est dans la haute proximité ». Si l’animal grégaire souffre d’isolement, l’homme adopte un comportement grégaire dans sa recherche spirituelle. Les religions sont des rassemblements d’individus qui obéissent à un ordre imposé tout en leur laissant la faculté d’emprunter des chemins isolés. A peine tracés sur la carte ils se perdent dans les courbes de niveau qui nous les dissimulent. Ils sont devant nous, les sentiers qui mènent vers la haute proximité. Nous avons appris à laisser de côté les voies sans issues qui nous dirigent droit contre la montagne ou au-dessus d’un précipice.

La solitude dont je parle, reste une chance. C’est le pari de Pascal. Beaucoup d’entre nous ne s’y risquent pas mais peu en échappent. Sans proximité haute nous ne serions guère capables de solitude accentuant alors notre faible capacité à ressentir la joie et la paix .

( A suivre T 58)

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