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« Un geste qu’on fait c’est jamais si tellement rien. Je suis content d’être là. Le monde est-il pas comme une seule grande machine à battre qu’on s’affaire autour ? Partager l’eau comme ça donnée avec les autres (sans plus y penser) ça fait du bien. Quand on mange chez quelqu’un c’est pareil. Avec un seul grand verre à boire pour tout l’monde. »

James Sacré, Viens, dit quelqu’un.

« Un geste qu’on fait c’est jamais si tellement rien. »

Cette manière d’écrire, c’est un peu comme un dessin de Sempé. On y voit des petites silhouettes qui marchent et dansent mais ne pleurent jamais. Elles sont les héroïnes dans un petit jardin, dans une rue bordée de buildings immenses, sur une plage, au volant d’une petite voiture. Les silhouettes vont vers leurs destins, une légende sous le dessin permet de regarder le dessin autrement. C’est un geste d’écriture, une pensée drolatique mais « jamais si tellement rien ». Ce monde minuscule contenu entre des traits soignés et sans détours trouve sa grandeur dans le côtoiement de ce qui le dépasse. Une feuille dessinée sur le sol, légèrement tour bichonnée est plus bavarde que l’arbre debout que le vent a déshabillé.

Ecrire le monde de cette façon, c’est rassembler les mots et les questionnements de l’enfance. Si l’enfant pense sans le dire qu’il « n’est jamais si tellement rien. », il lui arrive d’ajouter « Je suis content d’être là.» Le poète est heureux de sa présence au monde bien que soucieux de pouvoir exprimer la douleur avec des mots. Le verbe lui donne la force de l’action. Il n’arrête jamais le poète. « Le monde est-il pas comme une seule grande machine à battre qu’on s’affaire autour ? » S’affairer, c’est se donner de la peine puis il y a tant à faire mais pas que pour soi-même, il faut « partager l’eau comme donnée avec les autres (sans plus y penser) ça fait du bien. »

Nous sommes si nombreux à vouloir boire et manger qu’il faudrait bien nous aimer un peu. Ce n’est pas rien que de sentir la soif et la faim alors le poète retrousse ses manches. « Quand on mange chez quelqu’un c’est pareil. Avec un seul grand verre à boire pour tout l’monde. »

James Sacré c’est un peu le Sempé de la poésie. Jamais il ne force la voix, son art c’est le murmure. Ces citations sont extraites du recueil « Viens, dit quelqu’un », il faudrait aussi citer « Une petite fille silencieuse » mais si je commence, je vais recopier les 85 pages du livre. J’avais écrit une note : « Ce livre est remarquable. Il faudrait tout prendre avec soi et le partager avec tout le monde. » Voilà qui fait penser au grand verre à boire du poète.

Il n’existe pas d’écriture sans altruisme.

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