T 51

« Car vouloir aussitôt le résultat, c’est se placer d’emblée au stade terminal du processus, et par suite, se mettre déjà sur le point de voir le processus se renverser, donc se mettre soi-même en péril. » François Jullien, Philosophie du vivre.

Trois accessoires illustrent au-delà de leur utilité, les atermoiements de la vie : le métronome, deux vases communiquant et le fil suspendu au-dessus du vide. Ils nous aident à atteindre un but, concrètement obtenir un résultat.

Le premier marque la mesure de notre respiration que nous pouvons accélérer ou ralentir en fonction de la distance à parcourir, des montées et des descentes, de la dureté du sol. Une partition n’est pas uniquement musicale, elle encadre aussi notre faculté de déplacement. Le temps autorisé et fractionné permet d’atteindre le but.

Le second consiste à régler nos humeurs. Elles communiquent entre deux vases reliées par un siphon. L’un portera le nom de mauvaise et l’autre de bonne humeur. Cela pourrait sembler anecdotique mais notre possibilité de toucher au but en dépend. Qualifier de bonne ou mauvaise notre humeur du moment est évidemment arbitraire et réducteur. La densité et la texture du liquide qui communique entre les deux vases sont autrement plus complexes et relèvent d’un historique, d’un état de santé et d’un caractère propre à l’individu. Ce sont des freins ou des accélérateurs à notre réussite. Si optimisme et pessimisme ne se trouvent pas balancés entre les deux pôles, si l’un domine largement l’autre, le succès de notre entreprise en dépendra.

Enfin le fil tendu est notre parcours au-dessus du vide car on ne peut se concevoir autrement que dans un balancement à haut-risque. Confrontés au déséquilibre, notre progression ne laisse derrière nous que l’addition des chutes auxquelles nous avons échappés, pour un temps.

En résumé nous atteindrons le but si nous savons maintenir le rythme, métronome, si nous dominons nos humeurs, vases communiquant et si nous gardons l’équilibre. Sauter ces étapes ne servirait à rien « car vouloir aussitôt le résultat, c’est se placer d’emblée au stade terminal du processus, et par suite, se mettre déjà sur le point de voir le processus se renverser, donc se mettre soi-même en péril. ».

Peu importe notre habileté à obtenir le résultat espéré, une fois le processus finalisé, nous nous retrouvons invariablement en périls. Si nous avons la chance de rester en vie, notre nature profonde se trouvera à nouveau confrontée aux trois accessoires qui ne cessent d’accompagner notre désir de performance.

Tic tac tic tac, j’entends déjà le métronome se mettre en marche. Les vases se remplissent et se vident. La corde est tendue au-dessus du vide.

(A suivre T 52)

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