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« La résurrection est une chose toute naturelle, il n’est pas plus étonnant de naitre deux fois qu’une. »
Strindberg, Inferno.
Je ne suis pas insensible aux miracles.
La Bible est un livre surprenant. Une fois écartées les chroniques violentes de l’Ancien Testament, nous sommes confrontés à la révélation des miracles. Ce sont les charnières du récit, ils martèlent la foi comme les coups assénés par le forgeron. A coups de miracles, des histoires nous sont racontées. Concevoir un miracle, c’est refuser la mort. Imaginer des gestes et des scènes proches de l’absurde revient à nous prolonger au-delà du temps naturel qui nous est imparti.
Je ne crois pas aux miracles.
Ils nous entrainent dans des pêches miraculeuses, nous font spectateurs de la multiplication des pains, nous émeuvent quand l’aveugle soudainement retrouve la vue et nous étonnent de voir Jésus marcher sur l’eau en restant au sec.
Les miracles sont les récits de la mauvaise foi, c’est en cela qu’ils sont plaisants. Chacun d’entre nous invente le sien, aussitôt oublié, emporté par le vent. Le plus souvent se préparer au miracle commence par un vœu. Faire un vœu quand on déguste la première fraise de l’année, faire un vœu si le pari tenu est réussi, faire un vœu au pied d’un arc en ciel… . Mille vœux ouvrent les portes des miracles, il suffit de savoir regarder et écouter. Je les aime quand ils ressemblent à des vérités auxquelles rien ne peut être opposé. Par exemple August Strindberg écrit dans « Inferno » que « La résurrection est une chose toute naturelle, il n’est pas plus étonnant de naitre deux fois qu’une. »
Comme il ne serait pas surprenant de ne pas naitre du tout mais qui pourrait en témoigner ? Poussons la réflexion jusqu’à l’absurde, quel est le nombre de résurrections possibles inscrit dans nos gènes ? Si une seule naissance nous est autorisée et la possibilité de mourir qu’une seule fois alors l’unique moyen de lutter contre l’ennui de vivre, est d’imaginer des miracles. A coups de baguette magique nous pourrions bouleverser l’organisation du monde, construire des arches de Noé, s’asseoir devant la mer et l’ouvrir en deux pour permettre à notre errance de progresser. A chacun son miracle et d’attendre patiemment sa venue.
Pour ma part je n’attends rien de miraculeux. Habité par la nostalgie des paradis perdus, le miracle se situe loin devant moi. Un miracle ne se produit jamais dans notre dos.